Le Loup et la Cigogne.
août 26th, 2006
Un sujet de Maki : « qui est pris, qui croyait prendre », m’a ramené 55 ans en arrière.
En 1951, alors que j’étais appelé à l’armée, il y avait dans la carrée 9 bleus et un caporal. Parmi ces bleus, un parisien dont la deuxième langue vivante était l’argot. (Disons même qu’il parlait plus facilement cette langue que celle de Molière.) Bien souvent le soir, il nous donnait un cours de langue. Après guerre, de 1955 à 60, certains auteurs ont mis cette langue dans leurs œuvres, allant même jusqu’à y inclure les fables de Monsieur De La Fontaine
En voici un exemple. LE LOUP & LA CIGOGNE
Un loup, pour se taper la cloche,
Avait dégauchi deux gigots,
Quand il eut bouffé leur bidoche,
Il voulu se taper les os.
L’un deux, plus mastar que ses potes,
Lui resta au fond du collier,
Où malgré ses grandes chocottes,
Il ne put le fair’débiner.
Voyant radiner la cigogne,
Il lui bava, faisant l’bon mec :
« Voudrais tu me prêter ta pogne,
Pour me virer c’que j’ai dans l’bec ? »
Dac-dac, laisse opérer mécolle.
Et de rif, faisant gaffe aux crocs,
La cigogne allongeant le col,
Lui sortit l’oss’let du Gaviot.
Et maintenant, lui bonit-elle,
Tu vas me raquer mon boulot.
Te raquer, tu charries ma belle,
Me prendrais tu pour un billot ?
Au lieu de ram’ner ta bouillotte,
Tu ferais bien mieux de te calter ;
Et surtout, t’estimer vergeotte,
Que mésiqu’ne t’aies pas becqu’té.
Moralité :
Prêter la pogne à vos poteaux,
Ils voudront avoir votre peau.
Ce n’est pas que ma mémoire soit bonne, loin de là, le net est venu à mon secours
Comme quoi, il est possible d’enseigner les fables De La Fontaine, autrement qu’en langage académique.