Raffinerie de Feyzin
juillet 29th, 2007Les tribulations…..suite.
Ce premier chantier, pour cette firme, était exécuté en régie. Un chantier en régie, est un chantier où le client fournit les matériaux, en demandant à une entreprise de lui fournir la main d’œuvre et le matériel adéquat à la profession qu’elle exerce, (Le gros matériel de chantier, les compagnons ayant tous leur caisse à outils), et en lui payant les heures effectuées sur le chantier, à un taux fixé bien souvent en début d’année. Donc, le responsable de chantier, doit toutes les semaines, faire émarger la fiche de pointage par le client, avant de l’expédier au bureau.
Un chantier à forfait est en chantier qui a été soumissionné, puis remporté par une société pour X francs (à l’époque). Parfois, comme en verrerie ou en sidérurgie, le client fournit les matériaux, parfois ceux-ci sont compris dans le prix de la soumission. Là, les fiches de pointage sont à la totale discrétion du chef de chantier. (Plus intéressant pour nous, dans la mesure où nous gagnons des heures.). Pour cette entreprise, j’ai effectué exactement 4 chantiers.
Après le cracking, nous en avons fait un autre, aussi en Alsace, mais en deux postes. Il nous fut affecté par la boite, un jeune ingénieur frais émoulu de l’école des mines, en stage. Devant le responsable d’agence, il me dit : « je prend le poste de jour et vous prenez le poste de nuit. »-« D’accord ! »-« J’ai calculé, que pour respecter le délai de livraison, l’équipe de jour fera 20 assises et l’équipe de nuit, 18 car il est plus difficile de travailler la nuit. »-« Pas question, nous ferons les 20 tas, mais nous irons nous coucher, quand nous les aurons fait. » Je voyais X sourire à côté. « D’accord, mais pas de cavalerie, du travail bien fait. »-« Vous en faites pas. » Au lieu de rentrer à la piaule à 7 heures du mat. Nous rentrions vers 4 heures, 4 heures et ½. Le jeune ingénieur, logeait à Strasbourg, nous étions donc tranquilles.
Le chantier suivant fut Feyzin, encore une raffinerie et encore de nuit, avec un responsable de la société d’ingénierie du projet. Pas de problème, non plus. J’ai même profité de la proximité avec Grenoble, pour aller me présenter à mon nouveau patron. Quand je lui demandais, s’il pouvait me trouver un appartement, il s’est récusé, prétextant qu’il avait eu des problèmes avec des compagnons auxquels il avait fourni des logements. J’ai donc mis mes amis du PSU de Grenoble au « boulot ».
Mon 4ème et dernier chantier pour cette société fut à Carling (pétrochimie). L’ingénieur responsable à Feyzin, qui devait effectuer ce chantier, a demandé au bureau que ce soit notre équipe, qui soit affectée à ce chantier. Cela nous arrangeait, pas loin de chez nous, et nous nous accordions bien avec cet ingénieur. Dès le début, je lui ai demandé de nous faire un planning de travail par semaine, pour respecter le délai. Ce qu’il fit avec plaisir. Après la première semaine, nous ne le voyons presque plus sur le chantier. Une petite visite journalière d’une heure, puis il partait à la recherche d’une maison, puisqu’il devait venir s’établir dans la région. Tous les vendredis midi, nous rentrions chez nous, avec 50 heures pointées par semaine. Avant de quitter le chantier, puisque je devais préparer mon déménagement, j’ai assemblé toute la coupole en bas, il ne restait plus qu’à la monter. A x qui me demandait qui il devait mettre comme responsable, je lui désignais un de mes vieux compères, déjà avec moi en Nouvelle-Calédonie, plus âgé que moi et peut-être même meilleur compagnon que moi. Ce qui lui avait manqué jusque là, c’était le goût et l’art du commandement. Sur les chantiers, que nous avons exécutés en commun, il me remplaçait parfois, quand je devais m’absenter ou que j’avais envie de prendre les clous toute la journée. Quelques années plus tard, sa femme m’a appris, qu’il s’était tué sur la route. Il avait 6 enfants.
Quand j’ai touché ma dernière paye, monsieur X avait ajouté une prime conséquente, avec un certificat élogieux (alors qu’il ne doit pas y avoir d’appréciations sur ceux-ci.) et ces derniers mots furent : « si vous voulez revenir, pas de problème,juste un coup de fil. » Je n’ai jamais touché ailleurs de salaire + primes plus conséquent que pendant ces quelque mois. J’aurais pu rester dans cette boite, mais j’avais donné ma parole et je me devais de la respecter. Non pas envers mon nouveau patron, mais du compagnon qui s’était engagé pour moi.
La suite….plus tard.