
Il n’y a plus rien derrière la façade…..suite 5
J’étais à la caserne et comme sous –off de semaine, quand ma sœur me téléphone, me disant que la mère venait d’avoir un malaise cardiaque, à l’annonce de son licenciement de l’hospice où elle travaillait. C’était vers la mi - juillet 52. Je vais donc voir mon capitaine pour demander une permission. ‘’Comment me dit-il, vous venez à peine de rentrer de permission exceptionnelle, pour la naissance et le décès de vos jumeaux, et vous me demandez une nouvelle permission ? L’armée n’est pas le Club-Med ‘’ Je lui explique ce qui arrive à ma mère et : ‘’ Ecoutez je vais vous en donner une de 8 jours et essayez de régler ça vous-même, mais revenez dès que le problème est réglé. Si vous n’y arrivez pas, passez moi un coup de fil. ‘’
Sitôt dit, sitôt fait. Le temps de mettre au courant le M D L (Maréchal des Logis ou sergent selon les armes) qui allait prendre ma place comme s-off de semaine et je rentre chez moi. (7 km). Le lendemain, nous descendons à Verdun et je trouve ma mère au lit en piteux état. Elle m’explique qu’elle a été licenciée par le nouveau receveur municipal qui s’est aperçu que n’étant pas de nationalité française, elle ne pouvait occuper ce poste ‘’.
Je vais donc trouver, en premier, Melle Yvonne économe de l’hospice et aussi la tutrice de mon ami André. ‘’ Ecoute, Walter, me dit-elle, je ne peux garder ta mère, si le receveur ne me donne pas l’argent pour la payer. Je crois que tu devrais aller le voir et si possible régler ce problème ensemble. ‘’. En sortant, je vais voir quelques personnes de mes connaissances susceptibles de pouvoir m’aider. (Je ne puis mettre leur nom.)
L’après-midi même, je me pointe chez le receveur qui me reçoit assez courtoisement d’ailleurs. Moi qui venait le couteau entre les dents, j’étais assez gêné. Nous avons discuté pendant 20 bonnes minutes, pendant lesquelles, je lui explique que ma mère ne pouvait devenir française, vu l’infirmité de mon père, puisque pour un couple, il faut que l’un comme l’autre soit sain de corps et d’esprit. (Et voilà, comme je l’écrivais la semaine dernière, comment me revient en pleine figure un paragraphe de l’article 52 du code de Nationalité Française de l’époque). Je suppose qu’il avait déjà reçu un coup de fil de Melle Yvonne, puisqu’il me dit : ‘’Comme je m’aperçois que votre mère était de bonne foi, et que c’est sûrement au fil des ans que sa situation sur nos registres a évolué, peut- être même durant l’évacuation, par l’erreur d’un de nos employés et après en avoir référer à mes supérieurs ; compte tenu des 18 années qu’elle a déjà effectué à l’hospice, où elle est appréciée, elle peut reprendre son emploi, mais comme employée- auxiliaire. Je ne peux faire plus, compte tenu de la loi. ‘’
Ma mère a donc accepté, même si le salaire et par la suite la pension rétrécissaient. De plus, je vous assure que le service, où elle était, n’était pas de tout repos, ni physiquement ni moralement. C’était le service d’enfants ‘’handicapés ‘’, pour la plupart des trisomiques, que les familles à l’époque, plaçaient là, car il n’y avait pas de structures spécialisées. J’y suis allé une seule fois, et vraiment je ne crois pas que j’aurais aimé, être obligé, d’ y aller une seconde fois.
Nous avons donc pu passer quelques jours au ‘’Club- Med’’ et nous sommes souvent sortis avec mon ami André, encore célibataire et qui était justement en accident de travail, avec un poignet en marmelade. Derrière la façade, les pièces du bas, étaient inoccupées, comme celles qui se trouvent aux dessus des remises. Seul le logement en rez- de- chaussée sur la deuxième courette était toujours occupé par le jeune couple. D’ailleurs les jumelles sur la photo ci dessus, sont les leurs. Depuis la fin de la guerre, des logements avec toutes les commodités s’érigeaient en périphérie de la ville et de ce fait, petit à petit, les logement anciens commençaient à ne plus trouver de locataires. D’autre part, beaucoup de Verdunois travaillant pour les armées américaines et assez bien rémunérés, bâtissaient leur propre maison. Ce qui fait que 56 ans après, la façade est prête à tirer sa révérence, oubliée de tous ceux qu’elle a abrité.
Ma mère a dû travailler jusqu’à 68 ans pour avoir sa pension complète.
PS : Je tiens à préciser que lors de ces démarches, je suis resté en tenue militaire.