Qui a t-il derrière une façade ?
octobre 11th, 2008Qui a-t-il derrière une façade ? Combien d’entre vous se sont déjà posés la question ?
Derrière une façade, il y a la vie. Des gens y vivent journellement, avec des amitiés ou inimitiés. Des peines et des bonheurs, des naissances et des décès, des départs et des arrivées. L’espace n’est jamais figé, il est continuellement en mutation.
Dans la première partie de cet immeuble y vivaient, les premiers jours de nôtre arrivée, en 1942, ma mère et mes deux sœurs. Les meubles étaient très simples et la plupart venaient du secours populaire, puisque nous n’avions plus rien à notre retour d’évacuation. Moi, je n’y logeais que les fins de semaine et encore une semaine sur deux. Internes, nous ne rentions chez nous que tous les 15 jours, nous étions tous à la même enseigne, que nous habitions à 7 km (comme moi) ou à 100 km. Mon père nous a rejoint en 44 après 10 ans d’hôpital.
Au début, nous avons occupés la totalité des pièces, soit les 2 du rez-de-chaussée et celles de l’étage. En 1944, Bruno, fils de Maria et ‘’Beppo’’, chez qui j’allais parfois passé quelques jours pendant les grandes vacances et qui habitaient Dugny, a logé quelques temps dans la chambre de bonne, en attendant de trouver un studio en ville, car il entrait en formation de mécanicien, à l’atelier de la SNCF. Puis nous avons eu Géraldine, une petite fille de 2 ans, née d’une française et d’un soldat allemand, la mère ayant choisi de suivre son homme dans la débâcle des troupes allemandes, ma mère l’a recueilli.
Je ne lui ai jamais demandé comment cet évènement était arrivé. Une fin de semaine que je rentrais à la maison, elle était là. Toute timide, blondinette aux grands yeux bleus, mais bleus, au point que je trouvais les miens bien ternes. Je la vois encore avec sa robe bleue, son béret blanc et ses boucles blondes qui en jaillissaient. Deux ans plus tard, sa mère est revenue la chercher. Nous en avons tous eu gros sur la ‘’patate ‘’, surtout ma mère qui la considérait un peu comme la sienne. Je n’ai pas retrouvé de photo d’elle dans les affaires de ma mère. Pourtant il y en avait avant.
Et puis le 15.05.47, est arrivée celle que vous voyez ci-dessus, Marie-Jo fille de ma sœur aînée et de son GI de mari. Nous lui avions confectionné un berceau à la mode ancienne. C’était un berceau à roues, en osier, avec en haut, une hampe en bois horizontale qui supportait la ‘’voilure ‘’. Combien de fois, ma mère m’a envoyé la bercer, dans cette petite chambre qui se trouve au dessus de la porte d’entrée. La coquine, elle me souriait et me tendait les bras dès qu’elle me voyait, je crois même qu’elle devait reconnaître ma façon de balancer le berceau. Maintenant, elle a 61 ans, célibataire et est avocat dans un cabinet à Trenton (USA). Sur la photo, elle devait avoir 14-15 ans. Ma sœur a eu une deuxième fille Michèle en 49. Une des 3 filles de ma sœur puînée, Madeleine, est décédée dans cette même pièce, de la mort subite du nourrisson en 1956.
Ma sœur puînée étant mariée et moi de même, comme nous habitions l’un comme l’autre à 70 km de là, mes parents ont vidé les pièces d’en bas pour n’occuper que l’étage. Le rez–de–chaussée fut habité pendant un certain temps par mon cousin Louis, en attendant qu’il ait trouvé un appartement, je crois même qu’il fit sa première maison, rue du Triolet, pendant cette période. Je suis obligé de rire en y pensant, car son terrain jouxtait un de ceux qui appartenait à son père, et il en a ‘’piqué’’ quelques mètres sur toute la longueur, inutile de vous dire que son paternel, ne l’a jamais digéré !!
La semaine prochaine, je vous parlerai des autres locataires. Je ne me souviens plus des patronymes, mais je me souviens très bien des gens, de leurs physionomies, de leurs caractères et de leur famille.