Les tribulations… suite.
2ème : la prime de condition de travail ! La première fois, où elle est apparue sur une de mes fiches de paye, je l’ai trouvé ridicule pour la pénibilité du travail et les risques encourus pour notre santé. J’ai discuté avec les anciens du service et me suis aperçu que les gars n’y avaient jamais bien fait attention. J’ai demandé à un vieux compagnon, s’il voulait bien me prêter ses anciennes fiches de paye. Ce qu’il fit le lendemain.
A leurs lectures, j’en suis tombé sur le « cul ». Le taux de cette prime, n’avait jamais été revalorisé, quand les salaires étaient majorés par une augmentation générale. Ce qui fait, qu’au cours des années, elle ne suivait pas l’évolution des salaires, elle était devenue totalement dérisoire. Pour que cette prime ait la même valeur, en francs constants, qu’elle avait au moment de sa création (du moins, depuis les fiches que j’avais), par rapport au salaire horaire, elle devait subir une revalorisation de 22%. La revendication fut posée dans ce sens : revalorisation de la prime de condition de travail de : 22% et la faire évoluer, par la suite, au même temps que les augmentations générales de salaire.
Nos revendications étant déposées, 15 jours avant la réunion mensuelle des délégués avec la direction, celle-ci venait obligatoirement avec des réponses. A l’étude, positives (parfois) ou négatives. Ce jour là, quand nous abordâmes cette revendication, le chef du service du personnel reconnue qu’elle était justifiée et que le taux que nous avancions était correct. Moi qui m’étais préparé à entrer dans l’arène, j’étais un peu surpris et content, mais je ne connaissais encore pas toutes les fourberies de ces messieurs. D’accord, ce sera fait dès la prochaine paye.
Je retourne dans mon service, fier comme un jeune coq qui vient de gagner son premier combat, par KO au premier round et annonce la bonne nouvelle à tous les compagnons au vestiaire. 15 jours après, j’étais du matin, justement au décrassage d’un four Pits, quand des gars, qui sortaient de nuit, viennent nous trouver sur le chantier. Ils avaient touché leur paye, et cette prime, bien qu’ayant le taux demandé, restée tout de même encore riquiqui. Dès 8 heures, je file au bureau d’établissement des fiches de payes, et le chef de bureau me montre un ordre de la direction disant : Compte tenu que les ouvriers, lors de ces travaux, ne travaillent qu’un tiers de leurs 8 heures (puisqu’ils font 3 relais de 10 minutes) la prime doit être calculée en conséquence.
J’étais dans une rage folle, et j’avais perdu à jamais, le peu de confiance que je pouvais avoir en ces hommes, soit disant de valeur. Je remonte dare-dare, sur le chantier, explique la situation aux gars, et de suite, nous descendons comme nous sommes, fringués avec les oripeaux militaires que nous revêtions lors de ces travaux, chaussés de nos gros sabots (je sais, vous allez me dire : normal, puisqu’en Lorraine), casqués et en cortège, nous descendons au bureau directorial. Nous avions toute l’usine à traverser. Et une trentaine de gars qui descendent à un bon pas, au son « d’une musique sabotière », ça se remarque, surtout quand nous avons emprunté la passerelle en fer, qui permet d’enjamber les rails SNCF, pour nous amener au « château ». (Un vrai roulement de tambour !)
Arriver au « château », demande de rendez vous avec le directeur : « Monsieur ne peut vous recevoir ! »-« Qu’à cela ne tienne, nous allons l’attendre assis sur les escaliers du château. Quand, « Monsieur » voudra nous recevoir vous nous le direz.» Vers 11 heures, voyant que nous allions continuer à occuper les lieux et enfumer le palais, la secrétaire vient nous dire : « Une délégation de 10 personnes, va être reçu dans 10 minutes, choisissez les » et à ce moment nous voyons le chef du personnel (On dit DRH maintenant, je crois) arrivait dare-dare, grimpé les escaliers à la Chaban, entre une haie de « déserteurs » un peu goguenard.
Que désirez vous ? nous demande le dirlo. Comme s’il ne le savait pas. Je prends donc la parole « Il y a une quinzaine de jours, nous nous étions mis d’accord sur la revalorisation de la prime de condition de travail. Le chef du service du personnel a donné l’ordre de ne tenir compte, que du temps « réellement » effectué au travail, auquel la prime est attribuée, c’est-à-dire, 1/3 des heures de travail. »-« Vous comprenez, me dit le DRH, vous ne faites que 10 minutes sur 30, puisque vous faites 3 relais. »
Là, je lui coupe la parole et ne le laisse plus en placer une ! « 1er : cette prime a été attribuée, il y a un bon nombre d’années, sur la base des 8 heures. Vos prédécesseurs étaient-ils des idiots ? Ils ont tenu compte du choc que le corps subi, à ces fortes chaleurs, du temps qu’il lui faut pour récupérer, et du fait que ce traitement est répétitif tout au long des 8 heures. 2ème nous ne faisons pas 3 relais sur la longueur des travaux, dès que la chaleur diminue, nous n’en faisons que deux et je n’ai jamais vu un pointeur présent pendant les travaux. 3ème : Pour une immobilisation la plus courte possible, vous nous faites attaquer le chantier, à des chaleurs excessives. Maintenant, vous remettez tout en question. D’accord ! Nous demandons, alors, un suivi médical durant ces travaux. Nous avons, plusieurs fois, dû remonter des compagnons en difficulté. Et puis en même temps, voir si, commencer le chantier, à la température que vous nous obligez de le faire, ne nous est pas néfaste. Nous voulons savoir exactement les difficultés que nous pouvons encourir dans le futur. (Maintenant quand je pense à l’amiante, si j’avais su !!!) Tenez, vous me faites rigoler, quand une partie de la voûte d’un four Martin tombe dans l’acier en fusion, qui va aller colmater la brèche, alors que le four n’est pas arrêté….vous! Nous n’allons plus l’accepter dans ces conditions. Vous avez ouvert le bal….valsons maintenant. »
« Nous arrêtons le travail, et ce tantôt nous allons demander à l’inspection du travail de mettre en chantier cette étude, nous nous y prêterons avec plaisir. Dans le fond, vous avez raison, il faut totalement supprimer la prime de condition de travail en même temps que…les dites conditions. Tant pis si la productivité en subit les conséquences, nous nous en porterons que mieux ».
Le directeur nous dit d’attendre quelques instants, il sort avec « celui qui va devenir mon meilleur copain, pendant 9 ans » ; Quand il revient, il nous dit « Bon : réglons cette affaire une bonne fois pour toute. Avez-vous des propositions ?»- J’avais gambergé tout le long du trajet et préparé des propositions les plus honnêtes possibles. Je ne voulais pas qu’ils nous prennent pour des mendiants, mais pour des gars fiers de leur travail et qui savaient ce qu’ils valaient. « Nous sommes d’accord à ce que cette prime ne nous soit pas verser pendant ces deux seuls moments : la durée du casse-croûte 20 minutes et les 10 minutes que nous prenons en fin de poste, pour que tous le monde puisse prendre une douche. Soit une demi-heure par jour » Il n’a pas tellement tergiverser et après quelques secondes…« Bon, d’accord comme cela ! » Je me retourne vers mon futur grand copain, et je lui dit « Vous mériteriez, que nous vous demandions un rappel sur les années passées. C’est ce que vous auriez fait à ma place. Vous venez de me donner une bonne leçon, merci, je ne suis pas près de l’oublier. » ……Mes premiers pas de rebelle !
C’est un peu long, mais je n’ai pu faire plus court…..Je ne sais pas faire !