
Qui a-t-il derrière une façade ?….(Suite)
Traversons la courette, montons les 10 marches qui mènent à l’appartement au dessus des remises, et regardons par le trou de la serrure, pour savoir qui vit en ce logis. Y vivent 2 dames d’un certain âge. (N’oubliez pas qu’en ce moment j’ai 12 ans et encore une mentalité d’enfant, et qui pour lui, à 60 ans c’est être vieux). Un jour, ma mère m’a dit ‘’ ce sont deux sœurs célibataires qui vivent là ‘’. (Ce ne sont pas exactement les terme, c’était plutôt ceci : ‘’ Ce sont deux vieilles filles.’’)
Les fins de semaine où je rentrais à la maison, ce n’était que des bonjours ou bonsoirs, lorsque nous nous croisions dans le couloir. Et puis, cet hiver là, l’évêque coadjuteur de Mr Ginesty, Mr Petit tomba malade. Il dut être hospitalisé à l’hospice de la ville, l’hôpital étant occupé par les allemands. On m’a fait rentré de pension, pour que j’aille lui servir la messe dans sa chambre, où un autel de fortune y était installé. Pendant ces 3 semaines, je suis donc resté à la maison, faisant les devoirs qui m’avaient été donné avant mon départ et Mr Petit me les corrigeant. Je ne vais pas m’éterniser sur ma période d’enfant de cœur épiscopal.
Quand il était fatigué, je ne venais pas le lendemain, mais devais remplacer la sœur qui faisait ce ‘’travail ‘’ à la chapelle de l’hospice. Cette chapelle a une porte donnant directement sur la rue St Sauveur, permettant aux gens du voisinage d’assister aux offices. Et un jour, à la communion, j’aperçois la plus jeune de ces dames. Après avoir retirer soutane et surplis, quand je sors par cette porte, cette dame m’attendait et me demande si je veux bien lui prêter mon bras pour le retour à la maison, car il y avait du verglas. De cette porte à chez nous, il ne devait pas y avoir plus de 100 mètres. Voilà comment nous avons fait connaissance, et je crois bien que c’est la seule fois, où une dame m’ait fait des ‘’avances ‘’.(Rires)
Par la suite, j’allais de temps en temps leurs rendre visite. L’aînée avait des difficultés à marcher et sortait très peu. Nos fenêtres étant à la même hauteur, la cadette me faisait un petit signe de la main. Chez elles, tous les meubles étaient anciens, pas beaucoup de meubles mais juste ce qu’il fallait pour 2 chambres, salon (petit) et cuisine (petite aussi). Pas beaucoup de bibelots, mais des photos de pimpants officiers en uniformes d’apparat. Ces 4 jeunes officiers, tous de la coloniale : spahis, goumier ou tirailleur sénégalais. Je n’ai jamais osé demander qui ils étaient. Mais, elles avaient un paquet de fascicules des faits d’armes les plus glorieux de 14-18. Je pense qu’en face, en Allemagne ce devait être le même cas.
La cadette passait beaucoup de temps à broder, tricoter et je pense que ce devait- être elle qui tenait la maison. L’aînée faisait beaucoup de dessin au fusain sur papier genre Canson. Des voiliers, des paysages et surtout des animaux. (Lions, léopards, etc…et aussi…. des chevaux). J’étais en admiration devant ses tableaux. Elle se servait si bien de ses fusains, qu’on avait l’impression de voir les muscles jouer sous la magnifique robe de ces alezans. Je crois qu’elle devait imager certaines revues. Bien sûr, j’ai du expliquer que j’étais interne et où je l’étais. Nous parlions, parfois de mon temps passé dans ces murs, mais jamais de la religion, il me semblait qu’il y avait une différence d’opinion entre les deux. Parfois, je me disais que si l’aînée n’allait pas à l’église c’était à cause de son handicap, et parfois j’en doutais.
Quand j’allais faire mon marché, en ‘’sautant ‘’ le ruisseau, je leurs ramenais quelques légumes et fruits. Parfois, par mauvais temps, j’allais leurs faire quelques courses. Peu de temps, après la libération, ma mère m’annonce, lors d’une fin de semaine, que des membres de leur famille étaient venus les chercher. L’une me laissait un classeur avec de magnifiques dessins (avec beaucoup de chevaux) et l’autre, un prie-dieu matelassé. Le prie-dieu a dû aller à la déchetterie et les dessins, je ne les ai jamais retrouvé.
PS : Cette semaine, j’ai retrouvé une photo de Géraldine, mais pas en robe bleue, mais en robe blanche et son bibi blanc. Je pense que c’est la toute dernière photo d’elle que ma mère a faite.