Janvier 1992, originally uploaded by patriarch38.
Il faut 9 mois pour faire un enfant, l’Homme, lui se construit tout au long de sa vie. Par l’éducation reçue, il a ses bases ; mais ce sont les expériences de la vie, qui lui inculquent ses principes et ses interdits.
Comme compagnon, j’avais pour principe de ne pas poser de questions aux autres, ni sur leur vie privé, ni sur leur CV, ils le faisaient si cela leurs convenait. Il fut une époque, où la formation de fumistes se faisait dans des centres spécialisés. Un à Valenciennes et l’autre à Lyon, je crois. Je ne sais pas combien de temps durait une formation, mais pour un CAP je suppose que ça voisinait les 7 à 8 mois. Le jeune qui commençait sur le chantier, y venait donc avec un rudiment du métier et devait donc continuer sa formation sur le tas. D’autres avaient commencé sous la férule de leur père, ou d’autre compagnons ; comme manœuvre, puis aide et enfin compagnon. Ceux là, avaient plus d’entregent dans le métier que les ‘’écoliers ‘’. Le seul conseil que je donnais à un jeune travaillant à côté de moi, était de ne pas essayer de suivre la cadence des ‘’vieux’’, mais de se faire la main, d’ouvrir les yeux et les oreilles. Certains comprenaient, d’autres pas ; tant pis pour eux.
Comme dans tout milieu, celui-ci est composé d’éléments très différents. Les calmes, les sanguins, les ‘’pipelettes’’, les tire- au- cul …etc. Vous avez aussi, ceux qui seront bons pour le gros œuvre et d’autres pour le travail plus fin. Il faut donc composer avec cet amalgame et c’est le travail en premier du patron, puis des chefs de chantier. Il peut donc arriver que certains compagnons ayant travaillés 20 ans dans la même boites, ne se soient pas souvent côtoyés sur les chantiers. Certains chantiers sont soumissionné en ‘’régie ‘’, c’est-à-dire que le client payera les heures effectuées sur le chantier à un tarif défini au moment de la soumission ; et d’autres à forfait, c’est-à-dire qu’une somme globale est définie et acceptée par les deux parties. Le client n’a rien à voir avec les heures, il paye sur devis, avec bien sûr, une date de livraison à respecter pour l’entreprise. Là aussi le patron fait un choix parmi ses compagnons.
Comme tout milieu, plus ou moins disparate, il y a aussi parfois des accrochages entre les gars. Bien souvent, tout se règle sur le chantier ou devant la ‘’porte’’, et je reconnais que j’en ai vu très peu. Moi-même, il m’est arrivé d’en avoir, surtout quand une pipelette taillait un costard à un gars, non présent. Même si c’était justifié. Bien sûr, ils nous arrivaient de parler d’un absent, mais c’était souvent pour conter une de ses bourdes, ou encore un de ses canulars dont certains ont le secret. Et je vous assure qu’ils y en avaient de ces joyeux drilles, et bien souvent toujours les mêmes. Un bon compagnon, pour moi, est le gars qui sait fermer son clapet devant le patron, comme lorsqu’il se trouve au bureau, et même lorsqu’il visite une de ses coteries.
Un bon compagnon doit se connaître et savoir ‘’combien il pèse’’ comme certains disent. Quand il fait une demande à un patron : une augmentation de salaire ou un service pouvant être rendu, si la réponse est négative, il se doit de prendre une décision dans l’instant. Selon ce qu’il ‘’pèse’’ : ou il s’écrase ou il fait son sac. Personnellement, je faisais toujours mon sac, même dans mes débuts où mon ‘’poids’’ n’était pas bien lourd, mais je reconnais qu’à cette époque, l’embauche se faisait facilement, le travail ne manquait pas. Avec les années et l’expérience, je ‘’pesais un peu plus’’, (en même temps que je m’enrobais physiquement.) Et puis c’est une profession, surtout si vous faites facilement votre sac à chaque ’’NON !’’ (Et croyez moi, ils étaient nombreux à le faire), où 70% des compagnons Français se connaissaient, ce qui facilitait l’entraide.
Dans l’ensemble, un compagnon est un homme comme un autre, avec ses qualités et ses défauts. Il n’ y a pas de ‘’Modèle unique’’ et comme il ne vit que par son travail, en général, il sera perfectionniste dans celui-ci.
En ce qui me concerne, ma porte était toujours ouverte à tous, pour l’apéro, manger ou même coucher si nécessaire. Et jamais Eliane ne m’a fait une seule remarque.
Les ‘’dimancheries’’sont finies !!