Le frittage est un procédé de fabrication de pièce, consistant à chauffer une poudre sans la mener jusqu’à la fusion.
Mes tribulations………suite
J’allais souvent travailler à Eurotungstène, usine qui traite la poudre de tungstène, et de cobalt, ainsi que cuivre et fer. En associant certains éléments entre eux, parfois les 4 ensembles, elle fabrique par frittage des outils diamantés pour les coupes et les forages. (Carbures cémentés, pièces d’usure, etc)
Pour se faire la poudre adéquate est moulé par pression, dans des matrices. Si à la sortie de la matrice, vous faites tomber une pièce, elle éclate littéralement. Le frittage est le procédé de fabrication qui consiste à chauffer ses pièces, sans les mener à la fusion. Sous l’effet de la chaleur, les grains se soudent entre eux, ce qui forme la cohésion de la pièce. Pour être simple, les potiers font du frittage dans leur four. Quand elles sortent, les « pastilles en tungstène» pour manchon de forage, sont très résistantes. Comme d’ailleurs les mèches tungstènes ou scies à « lames diamants » utilisés sur les chantiers. Cette société travaillait aussi pour l’armée.
Ce four est un de ceux utilisés pour ce travail. Il y en avait deux, sensiblement du même modèle, dans cette usine. Il y en a bien sûr de plus grands, celui-ci est presque un four de laboratoire. Ces fours étaient construit en fibre de carbone et fonctionnaient avec des résistances en graphite. J’étais présent dans l’atelier quand une entreprise suédoise est venue les monter. Et bien sûr, je n’ai pu m’empêcher, de les regarder faire. Ce qui fait que par la suite, à la demande de l’ingénieur du service, j’ai fait aussi les réparations. Ceci pour vous dire, que pour qu’un client vous demande, il faut avant tout, vous rendre indispensable. Jusqu’à ma retraite, cette société à demander à mon patron que ce soit moi qui vienne. (Je ne vais pas vous expliquez la confection de ce four, c’étaient pourtant ces fours qui avaient ma préférence dans cette usine.) Très minutieux à faire, surtout s’il fallait assembler les éléments pour confectionner deux résistances neuves. Le graphite est très fragile, il fallait donc percer les trous d’assemblage sans trembler, si non, le trou devenait une olive et la goupille (aussi en graphite) ne maintenait plus rien du tout. Les pièces en graphite étaient usinées, à la demande et sur côtes, dans une usine de Savoie, au millimètre près. (Les goupilles aussi.)
En juillet 85, comme nôtre petit dernier avait 16 ans, j’ai demandé à mon patron, s’il pouvait le faire travailler pendant ses vacances scolaires. Il fut d’accord, mais la secrétaire (toujours la même), lui dit : « Il n’aura 16 ans que le 28 juillet, alors c’est pas possible. »-« Qu’à cela ne tienne, lui répondis-je, je prendrai donc mes congés au mois de juillet, et il viendra avec moi, faire une paire de cheminées rustiques. »-« Pas question, a dit le boss. Vous allez en juillet avec le ch’ti au Mans, chez Glaenzer, et vous le prendrez avec vous comme manœuvre. Il sera seul comme manœuvre, il devra donc fournir les deux compagnons et couper les briques à la scie clipper (lame diamant). Il pourra le faire ? »-« Bien sûr, c’est mon fils ! ».
En juillet, nous sommes donc montés tous les trois, et comme le break n’avait que deux sièges, le « gamin » s’est logé dans la caisse derrière. Comme cela, en accord avec le ch’ti, il a encore pu facturer le voyage par le train aller-retour. Comme depuis une paire d’année, j’étais en bagarre avec la SS pour reconnaissance de maladie professionnelle (amiante) et que, le boss (devant l’hécatombe de gars reconnus et décédés pour certains) avait donné les consignes pour que je ne fasse plus de démolition, j’évacuais donc les bennes de gravats, et lui et le ch’ti se sont fait la démolition, à la pioche et la pelle. Je dois dire, qu’il m’a agréablement surpris, il s’est débrouillé comme un chef, même pour la coupe des briques, coupe toujours faite au millimètre selon le trait du compagnon. L’année d’après, il est venu avec nous à Blainville, là, il y avait 6 compagnons et 3 manœuvres. Il travaillait aussi en Août mais sur d’autres chantiers que moi. Et oui, les motos coûtent chers et les permis aussi.
La première fois, en rentrant, il a dit à sa mère : « Tu sais, le 3ème jours, j’ai bien cru ne pas pouvoir me lever. » Et aussi « Pourquoi papa ne m’a jamais félicité, me dire que je travaillais bien, etc ?? » Tout simplement, parce que je me disais que bon sang ne peut mentir. Et que, au bout d’une semaine, j’étais sûr qu’il s’en sortirait bien. Et puis aussi, parce que je n’ai jamais su le faire, à aucun de mes enfants.
Là, c’est une partie de la vie un peu à part. La première fois que le minot travaillait, et avec son vieux en plus, aussi gueulard que le ch’ti : « Yann apporte ceci, Yann apporte cela etc…. ». Je vous assure, qu’il ne chômait pas !! De plus, en dehors du chantier et de la pension, il menait sa vie lui-même. Il touchait le même déplacement que nous. Je ne m’en occupais pas du tout. Il percevait son fric, à lui de gérer son affaire. C’était son début de l’apprentissage de la vie. Et croyez moi, il a été servi, et il n’est pas près d’oublier ce chantier.
La suite dimanche prochain.